Friede wenn möglich, aber die Wahrheit um jeden Preis. — Martin Luther
Une preuve obtenue illégalement ne doit pas être nécessairement écartée dans une procédure civile non plus, selon la Cour de cassation (belge)…
C’est ce que la Cour a jugé dans un récent arrêt :
En matière civile, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement ne peut être écartée, sauf disposition contraire expresse de la loi, que si l’obtention de cette preuve porte atteinte à la fiabilité de celle-ci ou compromet le droit à un procès équitable.À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment
- de la manière dont la preuve a été obtenue,
- des circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise,
- de la gravité de celle-ci et
- de la mesure dans laquelle elle a porté atteinte au droit de la partie adverse,
- du besoin de preuve de la partie qui a commis l’illégalité et
- de l’attitude de la partie adverse.
[Cass. (3e ch.), 14/06/2021, C.20.0418.N, J.T., 2021/28, p. 551 ; juportal.be, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210614.3N.2]
C’est une confirmation de la jurisprudence dite Antigone que la Cour de cassation avait déjà développée en matière fiscale, sociale et pénale, mais dont la position restait encore incertaine sur le plan civil.
Dans le cas concret soumis à la Cour, il s’agissait d’un enregistrement téléphonique effectué à l’insu de l’adversaire afin de prouver contre un contrat de vente concernant le véritable prix convenu. La Cour d’appel avait rejeté ce moyen de preuve comme illégal. La Cour de cassation balaie ces réticences…
Le juge reste tenu à plusieurs vérifications :
- D’abord, il doit vérifier que l’obtention de cette preuve porte atteinte à sa fiabilité.
- Ensuite, il doit contrôler que l’obtention de cette preuve ne compromet pas le droit à un procès équitable.
- Enfin, le juge reste tenu à un examen de proportionnalité suivant des critères définis par la Cour de cassation, mais qui restent assez subjectifs. La doctrine relève que, dans les autres champs du droit où une telle tolérance a été instaurée, la tendance de la jurisprudence a été à accepter la plupart des preuves, sauf dans des cas d’illégalité « grave » (vol, investigations d’un détective privé se faisant passer pour un client, rapport de détective illégal, courriels hackés dans la messagerie d’un tiers…).
L’appréciation des deux premiers critères est sans doute précisée dans l’arrêt initiateur de cette jurisprudence [Cour de cassation, 3e ch., 10/03/2008, Pas., 2008/3, p. 652–657] :
Sauf si la loi prévoit expressément le contraire, le juge peut examiner l’admissibilité d’une preuve illicitement recueillie à la lumière des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en tenant compte de tous les éléments de la cause, y compris de la manière suivant laquelle la preuve a été recueillie et des circonstances dans lesquelles l’irrégularité a été commise. (C. jud., art. 870 ; Conv. D.H., art. 6 ; P.I.D.C.P., art. 14.)
Sauf en cas de violation d’une formalité prescrite à peine de nullité, la preuve illicitement recueillie ne peut être écartée que si le recueil de la preuve est entaché d’un vice préjudiciable à sa crédibilité ou portant atteinte au droit à un procès équitable. Le juge qui procède à cette appréciation peut tenir compte, notamment, du caractère purement formel de l’irrégularité, de sa conséquence sur le droit ou la liberté protégés par la règle violée, de la circonstance que l’autorité compétente pour la recherche, l’instruction et la poursuite des infractions a commis ou n’a pas commis l’irrégularité intentionnellement, la circonstance que la gravité de l’infraction excède manifestement celle de l’irrégularité, le fait que la preuve illicitement recueillie porte uniquement sur un élément matériel de l’existence de l’infraction, le fait que l’irrégularité qui a précédé ou contribué à établir l’infraction est hors de proportion avec la gravité de l’infraction. (C. jud., art. 870 ; Conv. D.H., art. 6 ; P.I.D.C.P., art. 14.)