Dans un récent arrêt (15 juin 2023, no 93/2023), la Cour consti­tu­tion­nelle ne voit pas de dis­cri­mi­na­tion dans la qua­li­fi­ca­tion des asso­cia­tions de copro­prié­taires comme entre­prises, avec la consé­quence que cela implique un chan­ge­ment de com­pé­tence juri­dic­tion­nelle ratione per­so­nae : pré­cé­dem­ment, le carac­tère civil (non com­mer­çant) d’une asso­cia­tion de copro­prié­taires fai­sait qu’une action contre elle devait être inten­tée devant le Tri­bu­nal de pre­mière instance.

Ce même chan­ge­ment est inter­ve­nu pour les pro­fes­sions libé­rales (méde­cins, avo­cats, archi­tectes, etc.) qui sont aus­si deve­nues des entre­prises. La notion d’entre­prise a rem­pla­cé celle de com­mer­çant. Les pro­fes­sions libé­rales et les copro­prié­tés n’é­taient pas des com­mer­çants, en revanche, elles sont deve­nues des entre­prises.

Les tri­bu­naux de com­merce ont été chan­gés en tri­bu­naux de l’en­tre­prise, mais leurs jus­ti­ciables ont aus­si été chan­gés et, donc, élargis.

L’article I.1, 1°, du Code de droit éco­no­mique dispose :
« Sauf dis­po­si­tion contraire, pour l’ap­pli­ca­tion du pré­sent Code, on entend par :
1° entre­prise : cha­cune des orga­ni­sa­tions suivantes :
(a) toute per­sonne phy­sique qui exerce une acti­vi­té pro­fes­sion­nelle à titre indépendant ;
(b) toute per­sonne morale ;
© toute autre orga­ni­sa­tion sans per­son­na­li­té juridique.

Non­obs­tant ce qui pré­cède, ne sont pas des entre­prises, sauf s’il en est dis­po­sé autre­ment dans les livres ci-des­sous ou d’autres dis­po­si­tions légales pré­voyant une telle application :
(a) toute orga­ni­sa­tion sans per­son­na­li­té juri­dique qui ne pour­suit pas de but de dis­tri­bu­tion et qui ne pro­cède effec­ti­ve­ment pas à une dis­tri­bu­tion à ses membres ou à des per­sonnes qui exercent une influence déci­sive sur la poli­tique de l’organisation ;
(b) toute per­sonne morale de droit public qui ne pro­pose pas de biens ou ser­vices sur un marché ;
© l’État fédé­ral, les régions, les com­mu­nau­tés, les pro­vinces, les zones de secours, les pré­zones, l’Agglomération bruxel­loise, les com­munes, les zones plu­ri­com­mu­nales, les organes ter­ri­to­riaux intra­com­mu­naux, la Com­mis­sion com­mu­nau­taire fran­çaise, la Com­mis­sion com­mu­nau­taire fla­mande, la Com­mis­sion com­mu­nau­taire com­mune et les centres publics d’action sociale ».

Or, la preuve contre une entre­prise est plus libre que contre un consom­ma­teur : il est donc plus facile dans cer­tains cas de figure de prou­ver un fait en jus­tice contre une entre­prise que contre un consom­ma­teur. C’est prin­ci­pa­le­ment là que se fera sen­tir la dif­fé­rence suite à cette réforme, plus que dans un chan­ge­ment de juridiction.

CODE CIVIL :

Art. 8.11. Preuve par et contre les entreprises
§ 1er. Contre des entre­prises ou entre entre­prises, telles que défi­nies à l’ar­ticle I.1, ali­néa 1er, du Code de droit éco­no­mique, la preuve peut être appor­tée par tout modes de preuve, sauf excep­tion éta­blie pour des cas particuliers.
La règle énon­cée à l’a­li­néa 1er ne s’ap­plique pas aux entre­prises lors­qu’elles entendent prou­ver contre une par­tie qui n’est pas une entre­prise. Les par­ties qui ne sont pas une entre­prise qui sou­haitent prou­ver contre une entre­prise peuvent uti­li­ser tous modes de preuve.
La règle énon­cée à l’a­li­néa 1er ne s’ap­plique pas non plus, à l’é­gard des per­sonnes phy­siques exer­çant une entre­prise, à la preuve des actes juri­diques mani­fes­te­ment étran­gers à l’entreprise.
§ 2. La comp­ta­bi­li­té d’une entre­prise n’a de force pro­bante contre une autre entre­prise que si les men­tions de la comp­ta­bi­li­té des deux par­ties sont concor­dantes. Dans tous les autres cas, le juge appré­cie libre­ment la valeur pro­bante de la comptabilité.
La comp­ta­bi­li­té d’une entre­prise n’a pas de force pro­bante contre des per­sonnes qui ne sont pas des entreprises.
La comp­ta­bi­li­té d’une entre­prise peut être invo­quée contre cette entre­prise. Cette comp­ta­bi­li­té ne peut être divi­sée contre l’en­tre­prise, sauf si elle n’est pas tenue régulièrement.
§ 3. Le juge peut, sur demande ou d’of­fice, au cours d’un pro­cès ordon­ner la pro­duc­tion de tout ou par­tie de la comp­ta­bi­li­té d’une entre­prise concer­nant le litige à exa­mi­ner. Le juge peut en outre impo­ser des mesures afin de garan­tir la confi­den­tia­li­té des pièces concernées.
§ 4. Sauf preuve contraire, une fac­ture accep­tée par une entre­prise ou non contes­tée dans un délai rai­son­nable fait preuve contre l’en­tre­prise de l’acte juri­dique allégué.
Une fac­ture non contes­tée par une per­sonne qui n’est pas une entre­prise ne peut être consi­dé­rée comme accep­tée, sauf si cette absence de contes­ta­tion consti­tue un silence cir­cons­tan­cié. Une fac­ture accep­tée, expres­sé­ment ou taci­te­ment, par une per­sonne qui n’est pas une entre­prise consti­tue une pré­somp­tion de fait. Est nulle toute conven­tion qui déroge aux règles du pré­sent ali­néa, conclue avant la nais­sance du litige.