La caution du demandeur étranger (cautio judicatum solvi) est (était) un mécanisme qui s’appliquait dans le cas d’un procès intenté par une personne non-belge (puis non-ressortissante d’un État Membre de l’Union européenne ou d’un État avec qui la Belgique avait conclu un traité qui en dispensait) contre une personne belge devant une juridiction belge. Cet étranger a(vait) le devoir au préalable de verser un montant (ou de prouver qu’il possédait en Belgique des biens suffisants) en garantie des frais et du préjudice de la procédure si la personne belge attaquée l’exigeait.
Il s’agi(ssai)t d’une protection du justiciable belge afin d” « éviter qu’un étranger condamné à des dommages-intérêts par un juge belge échappe à l’exécution du jugement parce qu’il disparaît sans que l’on puisse suivre sa trace, parce qu’il n’a pas de biens saisissables en Belgique ou parce que la loi de son pays ne reconnaît pas les jugements rendus en Belgique (voir Rouard, P., Traité élémentaire de droit judiciaire privé, III, Bruxelles, Bruylant, 1977, nº 513) » (Question parlementaire n° 459 du 17 février 2000, Bull. questions et réponses, Sénat, 1999–2000, n° 2–12).
Par arrêt n° 135/2018 du 11 octobre 2018, la Cour constitutionnelle annule la disposition du Code judiciaire (art. 851) qui le contenait à partir du 31/08/2019 ou à partir de la loi qui mettra fin à cette inconstitutionnalité.
La raison de l’inconstitutionnalité relevée par la Cour est la suivante :
B.11. Le critère de la nationalité, sur lequel repose la différence de traitement établie par la disposition en cause, n’est toutefois pas pertinent au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir garantir au défendeur le paiement des frais de justice et des dommages et intérêts auxquels le demandeur pourrait être condamné. Rien ne permet de justifier que cet objectif de protection du défendeur confronté aux pertes pécuniaires que peut lui faire subir, par un procès sans fondement, un demandeur n’offrant pas les garanties en Belgique pour le paiement des frais et des dommages et intérêts auxquels il serait condamné ne soit poursuivi que lorsque le demandeur est étranger. En effet, ce n’est pas la nationalité du demandeur, mais bien la circonstance qu’il réside à l’étranger et ne possède en Belgique aucun bien pouvant servir de garantie qui peut faire craindre au défendeur d’être confronté à l’impossibilité en pratique de recouvrer les sommes exposées. En ce qu’il oblige les seuls demandeurs étrangers, principaux ou intervenants, à fournir une caution judicatum solvi, si le défendeur belge le requiert avant toute exception, l’article 851 du Code judiciaire n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Il reviendrait donc au Législateur de décider :
- soit d’abroger complètement le mécanisme car, comme l’avait relevé le Ministre de la Justice (Question parlementaire n° 459 du 17 février 2000, Bull. questions et réponses, Sénat, 1999–2000, n° 2–12),
- « la disposition a perdu de sa pertinence avec la mondialisation de l’économie ainsi qu’avec le développement des moyens de communication et de la mobilité » et
- « Les articles 851 et 852 du Code judiciaire contiennent, par eux-mêmes, des limites strictes à la possibilité d’invoquer l’exception de cautio iudicatum solvi. Ces limites, combinées avec les nombreuses conventions multilatérales et bilatérales auxquelles la Belgique est partie, ont pour effet de restreindre le champ d’application de ces dispositions dans une mesure telle que le maintien desdites dispositions n’a plus de sens. » ;
- soit d’en aménager le critère en abandonnant celui de la nationalité pour celui du cas d’une personne résidant à l’étranger et ne possédant en Belgique aucun bien pouvant servir de garantie, situation qui peut faire craindre au défendeur d’être confronté à l’impossibilité en pratique de recouvrer les sommes exposées.
Par ailleurs, il me semble que le fait que cette protection ne soit offerte qu’aux Belges et non à d’autres personnes attraites devant un juge belge pourrait aussi être une discrimination critiquable…