La réforme
Depuis le 02/07/2016, les créanciers impayés peuvent recourir à la procédure de recouvrement de dettes d’argent non contestées (art. 1394/20 s., C. jud. v. Sommaire et vigueur de la Loi du 19/10/2015 modifiant le droit de la procédure civile (« pot-pourri 1 »)).
Cette procédure peut, par exemple, être utilisée si un commerçant a envoyé une facture à un client qui n’a jamais réagi pour la contester, même après rappel et mise en demeure formelle de payer. À la demande de l’avocat du créancier, un huissier de justice envoie une sommation au débiteur (comprenant une série de mentions obligatoires) et, sans réaction du débiteur dans le délai légal, l’huissier de justice peut passer directement à une saisie. La nouveauté réside dans le fait qu’il n’y a pas de passage devant un juge et donc pas de jugement (déjudiciarisation) : avant cette loi, il fallait un jugement pour pouvoir procéder à une saisie.
La motivation de cette réforme était de débarrasser les tribunaux des réclamations qui ne sont pas contestées, en mettant en avant des arguments de facilité, de rapidité et d’efficacité.
Un résultat parfois moins intéressant que la procédure « normale »
Le recours à cette nouvelle procédure est en effet indiqué dans certains cas, mais obtient-on au final la même chose ? Pas vraiment ! Le créancier peut parfois obtenir un résultat moins favorable qu’avec une procédure normale devant un juge.
En effet, cette nouvelle procédure limite le montant qui peut être réclamé au « montant, augmenté des majorations prévues par la loi et des frais du recouvrement ainsi que, le cas échéant et à concurrence de 10 % au maximum du montant principal de la créance, de tous les intérêts et clauses pénales ».
Or, il se peut que les conditions générales du créanciers prévoient un taux d’intérêt ou une indemnité supérieurs ou encore que le retard de paiement ait été tel que le total des intérêts et clauses pénales dépassent 10 % du montant de la facture impayée.
Prenons le cas concret d’un créancier qui a une facture impayée de 3.000 € avec un retard de paiement d’un an, il devra faire le choix entre :
- le recours à la nouvelle procédure, en sachant qu’il ne récupérera pas plus que 110 % du montant de sa facture : en l’occurrence, maximum 3.300 € ;
- le recours à la procédure ordinaire qui lui permettra de récupérer tout ce qui est prévu par ses conditions générales, dans les limites ce que prévoit la jurisprudence habituelle de la juridiction compétente : généralement,
- clause pénale de 10 % (300 €)
- intérêt applicable au retard de paiement entre entreprises pendant un an : 8 % l’an actuellement (240 €)
- frais de justice (dépens dans le jargon)
- taxe et citation par huissier de justice : environ 350 €
- indemnité de procédure (intervention dans les frais d’avocat) : 450 €
- au total, le créancier se verrait reconnaître : 4.340 € (144,66 %)
Sachant que, dans les deux cas, le créancier devra d’abord financer la procédure (taxes, frais et honoraires d’avocat et d’huissier de justice), il doit choisir la solution qui lui convient le mieux.
NB : Le résultat final dépendra principalement des conditions générales éventuelles, du montant de la facture, de la durée du retard.
(Graphique basé sur cet exemple et comparé hors dépens)
Une nouvelle procédure obligatoire ? Non : c’est au choix.
Suite à la réforme, le Tribunal de commerce de Gand, division Courtrai, avait estimé abusif pour un créancier de recourir à la vieille procédure ordinaire alors que le créancier était dans les conditions pour pouvoir utiliser la nouvelle procédure et que l’objectif de la réforme était de soulager les tribunaux de ces litiges-là. Pour cette raison, il avait fait droit à la demande, mais avait en revanche rejeté les frais de justice.
Ce jugement de Courtrai a été attaqué devant la Cour de cassation qui a décidé que le recours à la nouvelle procédure n’est pas obligatoire, mais facultatif, et que donc il n’y avait pas d’abus, ni de raison de priver le créancier des frais de justice s’il fait le choix de la bonne vieille procédure ordinaire (arrêt du 13/10/2017, C.17.0120.N).