Par Mme Calixe LUMEKA, CELCR

Il s’agit d’obligations internationales :

– trai­té ONU de 1966 contre la dis­cri­mi­na­tion trans­po­sée dans la loi belge du 30 juillet 1981 dite « anti­ra­cisme » : sur­tout pénal.

– direc­tives 2000/78/C. E. « emploi » et 2000/43/C. E. « race » qui ont été trans­po­sées dans la loi du 25 février 2003 dite « anti­dis­cri­mi­na­tion » : c’est une loi assez large et la loi belge a été plus loin que les direc­tives mais un arrêt de la cour d’arbitrage a modi­fié cette loi (6 octobre 2004, n° 157).

Ces deux lois font actuel­le­ment l’objet d’un pro­jet de réforme.

A. Le volet pénal

Sont incri­mi­nés :

  1. Les pro­pos inci­tant à la haine, à la dis­cri­mi­na­tion ou l’appartenance à un grou­pe­ment qui pro­meut ou qui incite à la haine,

Pour cer­tains motifs : raciaux, tenant à l’orientation sexuelle, au sexe, au handicap,

Dans des cir­cons­tances de publicité.

La ratio legis est rat­ta­chée à l’ordre public.

Ain­si, le cas d’un conseiller com­mu­nal qui, lors du conseil, inter­pel­le­rait quelqu’un en disant : « Sale juif, retourne en Israël. »

Ou encore, une annonce immo­bi­lière pré­ci­sant : « étran­gers s’abstenir ».

Ou bien, la dis­so­lu­tion des ASBL du Vlaams Block.

2. Acte de discrimination

Dans l’offre de biens et ser­vices, d’emplois, dans la fonc­tion publique,

Sur des motifs raciaux.

La ratio legis est ici rat­ta­chée au prin­cipe d’égalité.

Ain­si, le refus à une per­sonne d’accéder à une boite de nuit.

Ou encore, le com­por­te­ment sanc­tion­né des para­mi­li­taires belges en Somalie.

  1. Les crimes hai­neux (hate crimes) :

Cir­cons­tance aggra­vante quand cer­taines infrac­tions sont com­mises pour des motifs raciaux, ce qui a pour consé­quence un alour­dis­se­ment de la peine.

Ain­si, le cas récent d’un acti­viste d’extrême droite qui a assas­si­né un enfant avec sa nou­nou d’origine afri­caine à Anvers.

Ou encore, une agres­sion diri­gée contre des homo­sexuels parce qu’ils sont homosexuels.

Quel élé­ment moral ?

– La juris­pru­dence est par­ta­gée : il faut un élé­ment moral géné­ral sui­vant la ten­dance majoritaire.

Cepen­dant, l’utilisation de la sanc­tion pénale a ses limites :

– les dis­po­si­tions pénales sont d’interprétation stricte. Elles s’appliquent uni­que­ment aux com­por­te­ments visés ; la sphère pri­vée en est exclue (sauf en ce qui concerne la dis­cri­mi­na­tion au logement) ;

– un aspect pure­ment sub­jec­tif ne suf­fit pas pour éta­blir l’infraction ;

– les liber­tés fon­da­men­tales doivent être res­pec­tées : la liber­té d’expression doit être sau­ve­gar­dée mais elle n’est pas abso­lue ; la liber­té contrac­tuelle reste de mise mais elle n’est pas sans limites.

– toute dif­fé­ren­cia­tion n’est pas exclue pour­vu qu’elle puisse être jus­ti­fiée objec­ti­ve­ment et rai­son­na­ble­ment pas,

– le droit sou­ve­rain de l’État d’accorder un sort spé­cial à ses citoyens dans cer­taines matières n’est pas remis en cause (entre autres, le droit de séjour) ;

– des poli­tiques de dis­cri­mi­na­tion posi­tive peuvent demeu­rer jus­ti­fier comme auparavant.

B. Volet civil

Les motifs ne sont désor­mais plus limi­ta­ti­ve­ment énu­mé­rés par la loi depuis son annu­la­tion par­tielle par un arrêt de la cour d’arbitrage du 6 octobre 2004.

À titre d’illustration, une dis­cri­mi­na­tion poli­tique pour­raient être sanc­tion­né civi­le­ment alors qu’elle demeure impos­sible dans le volet pénal.

Les formes de dis­cri­mi­na­tion visée sont :

– les dis­cri­mi­na­tions directes : celles qui consistent dans des dif­fé­rences de trai­te­ment sans jus­ti­fi­ca­tion objec­tive et raisonnable.

Par exemple, refu­ser de louer un loge­ment à des chômeurs.

– les dis­cri­mi­na­tions indi­rectes : celles qui mettent en place une situa­tion appa­rem­ment neutre mais avec un impact défa­vo­rable recher­ché sur cer­tains groupes.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun cas de juris­pru­dence connue : on pour­rait cepen­dant ima­gi­ner le cas d’un employeur qui exi­ge­rait qu’un plon­geur soit bilingue.

– le harcèlement.

– les ins­truc­tions de discriminer.

– le refus d’aménagement rai­son­nable pour une per­sonne handicapée.

Un bémol modé­ra­teur : les dif­fé­rences de trai­te­ment sont accep­tées qu’elles peuvent être jus­ti­fiées objec­ti­ve­ment et raisonnablement.

Cette pro­tec­tion est don­née dans des dis­po­si­tions qui sont consi­dé­rées d’ordre public, ce qui implique :

– la nul­li­té de clause contraire ;

– la pro­hi­bi­tion de repré­sailles au niveau de l’emploi ;

– la pos­si­bi­li­té d’introduire une action civile en ces­sa­tion (loi de 2003) : cepen­dant, des dom­mages et inté­rêts ne peuvent être accor­dés à ce stade ; par ailleurs, « le pénal tient le civil en état » si une action pénale a été mise en route avant l’introduction ou pen­dant que l’action civile et pendante.

À titre d’illustration, le refus d’une per­sonne épi­lep­tique ou son congé­die­ment sur le motif qu’elle n’a pas décla­ré être atteinte de cette mala­die au moment de son embauche pour­raient être sanc­tion­né sur cette base. L’on consi­dère que cela res­sort de la vie pri­vée : il n’y a donc aucune faute pour cette per­sonne de ne pas avoir décla­ré à son employeur qu’elle était atteinte de cette affec­tion. En outre, cela ne consti­tue pas un obs­tacle à un emploi en prin­cipe. Dès lors, le refus ou le congé­die­ment de sept per­sonnes par l’employeur sera consi­dé­ré comme fau­tif aux yeux de la loi.

« La réforme va-t-elle chan­ger quelque chose ? »

La réforme est moti­vée par plu­sieurs raisons :

– cette légis­la­tion a été cri­ti­quée et par­tiel­le­ment annu­lée par la Cour d’Arbitrage ;

– la légis­la­tion doit être conforme aux direc­tives européennes ;

– le légis­la­teur sou­haite har­mo­ni­ser les dif­fé­rents textes qui ont été pris dans cette matière et les réunir dans un seul corps de lois.

Cette réforme va dans le sens :

– d’un élar­gis­se­ment des motifs invo­cables actuel­le­ment uni­que­ment au civil mais qui pour­ront aus­si l’être désor­mais au pénal ;

– de l’introduction de nou­veaux motifs : langue, convic­tions reli­gieuses, carac­té­ris­tiques génétiques ;

– de l’introduction d’une péna­li­sa­tion en cas de non-res­pect de l’injonction de cessation ;

– de l’introduction d’une facul­té d’octroi de dom­mages et inté­rêts qui pour­ront déjà être octroyés au stade de l’action en ces­sa­tion sans devoir pas­ser par le détour d’une action au fond ;

– de la dépé­na­li­sa­tion de la dis­cri­mi­na­tion pour accès aux biens et ser­vices ain­si qu’à l’emploi : la sanc­tion ne sera plus que civile.

Pour plus d’informations : www.diversite.be

GD

(Atten­tion : Ce compte-ren­du n’a pas été écrit par ou sou­mis à la relec­ture de l’auteur de l’exposé : il ne l’engage donc aucu­ne­ment. Le rap­port a été éta­bli sur base de notes prises lors de l’exposé ; il reprend les points essen­tiels mais il ne pré­tend pas être une repro­duc­tion par­faite des pro­pos qui ont été tenus.)