Réforme de la Cour d’assises
Dans un important et long arrêt d’aujourd’hui, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur les différentes réformes de la procédure pénale (Loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice intitulée loi pot-pourri II), dont, entre autres, celle de la suppression (ou presque) des cas soumis à une Cour d’assises au profit des tribunaux correctionnels. La Cour stigmatise l’absence de critère légal, estimant que celui des circonstances atténuantes est dénaturé [B.14.2]. Elle retient aussi la violation du principe de l’égalité des armes [B.16.4] et de l’article 13 de la Constitution (Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.).
Contraventionnalisation des délits par le Ministère public
La Cour annule aussi la faculté pour le Ministère public de décider de faire juger des délits par le Tribunal de Police au lieu du Tribunal correctionnel sur base base du critères des circonstances atténuantes en raison de l’exclusion d’un contrôle juridictionnel de cette décision [B.16.5].
Mini-instruction
En ce qui concerne la perquisition
B.22.4. En raison de la gravité de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile qu’elle implique, la perquisition ne peut, en l’état actuel de la règlementation en matière de procédure pénale, être autorisée que dans le cadre d’une instruction, au cours de laquelle les personnes intéressées disposent d’un droit organisé de demander un accès au dossier et des actes d’instruction supplémentaires et au cours de laquelle la chambre des mises en accusation peut exercer un contrôle quant à la régularité de la procédure.
En incluant la perquisition, en l’état actuel de la règlementation en matière de procédure pénale, dans le champ d’application de la mini-instruction, sans prévoir des garanties supplémentaires pour protéger les droits de la défense, la disposition attaquée porte une atteinte discriminatoire au droit au respect de la vie privée et au droit à l’inviolabilité du domicile.
B.22.5. Il résulte de ce qui précède que l’article 63, 1°, attaqué, de la loi du 5 février 2016 viole les articles 10, 11 [égalité et non-discrimination], 15 [Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.] et 22 [Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.] de la Constitution et qu’il doit dès lors être annulé.
En ce qui concerne l’écoute et l’enregistrement des communications
Pas d’inconstitutionnalité
La réforme de l’opposition
Sous réserve d’une interprétation qui tienne compte :
- non seulement que la preuve de la connaissance de la citation par le prévenu incombe à la partie poursuivante et qu’Il suffit que l’opposant « fasse état » d’un cas de force majeure ou d’une excuse légitime et donc qu’il démontre à suffisance l’existence de ce motif, sans qu’il soit tenu d’en apporter la preuve [B.39.2],
- mais aussi que l’opposition ne peut (…) être déclarée non avenue si une cause de force majeure justifie l’absence de l’opposant au cours de la procédure d’opposition [B.39.3],
il n’y a pas d’inconstitutionnalité.
Réforme de l’appel, désormais « sur griefs »
Pas d’inconstitutionnalité, mais une distinction subtile entre griefs et moyens :
B.45.1. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la notion de « grief », au sens de l’article 204 du Code d’instruction criminelle, ne se confond pas avec la notion de « moyen » au sens où l’entendent les parties requérantes. La disposition attaquée prescrit donc que l’appelant désigne, dans sa requête, les parties du jugement de première instance qu’il entend voir réformer et non les arguments qu’il souhaite avancer à cette fin.
B.45.2. Par conséquent, la disposition attaquée n’empêche pas que l’appelant invoque, pour la première fois en degré d’appel et en cours de procédure, les moyens qu’il estime appropriés pour obtenir la réformation de la décision rendue en première instance, en ce compris, le cas échéant, le dépassement du délai raisonnable ou encore un revirement de jurisprudence intervenu entre les deux instances.
Réforme de la cassation pénale
Pas d’inconstitutionnalité, sauf :
- concernant la suppression du pourvoi en cassation pour les décisions de maintien de la détention préventive autres que celles de la chambre des mises en accusation rendues en degré d’appel contre la première décision de maintien de la détention préventive et
- l’abrogation du pourvoi en cassation immédiat contre les arrêts rendus par la chambre des mises en accusation en ce qui concerne la décision du juge d’instruction portant restriction des visites, de la correspondance et des communications téléphoniques, ou établissant une surveillance électronique à l’égard d’une personne en détention préventive.
Autres points
La Cour annule aussi d’autres points de la réforme.
Dans la presse :
On ne refera pas les procès déjà bouclés
L’arrêt, contraignant, entraîne des conséquences immédiates. Des affaires criminelles importantes ont été correctionnalisées au cours des 22 derniers mois, […]. Pour ceux-là, les effets de la loi “Pot Pourri 2” sont maintenus.
On ne refera pas ces procès. En revanche, à l’avenir, on ne pourra désormais plus correctionnaliser l’ensemble des crimes, qui devront retourner vers un jury populaire. […]
A‑t-il senti l’oignon ? Se doutait-il que la Cour constitutionnelle signerait l’arrêt de mort de du dispositif mis en place dans le “pot pourri 2” ? Avant même de connaître la décision de la haute Cour, le ministre Geens annonçait un nouveau mode de remplacement du jury populaire, baptisé “les nouvelles assises” ou “les assises 2.0”.
Koen Geens imagine un jury composé de 3 magistrats professionnels et de 4 citoyens. Le président serait chargé d’informer les jurés du dossier qui serait soumis à cette chambre criminelle 2.0 qui se limiterait à entendre les témoins les plus importants.
Plus qu’un jury citoyen, il s’agirait donc d’un système d’échevinage – les juridictions du travail fonctionnent sur ce mode en Belgique. Soit un système très différent du jury citoyen. Et une nouvelle violation de l’article 150 de la Constitution ? On peut déjà prévoir un nouveau bras de fer autour des “assises 2.0” dont les contours restent enore très flous.