Discours prononcé lors de la séance solennelle de Rentrée du Barreau de Verviers le 25 mars 2017 par Me Geoffrey DELIÉGE.
Ceci est une révolution (artificielle)
Mesdames, Messieurs en vos titres et qualités,
Chers confrères,
Chère Famille, chères amies, chers amis,
Merci beaucoup d’être venus.
Merci car tous ensemble aujourd’hui, nous allons vivre un instant qui va marquer l’histoire.
#RentréeVvs Geoffrey Deliège nous parle d’une révolution artificielle : la fin des avocats ? pic.twitter.com/yd0agAseTR
— Patrick Henry (@patrhenry) March 25, 2017
I.Introduction
1.Discours par un robot : on prédit notre remplacement imminent.
Vous croyiez que vous ne le verriez pas de votre vivant : eh bien, le progrès vous a dépassés.
Ça ne nous fait sans doute pas plaisir, mais nous célébrons ici, non pas la dernière rentrée du Barreau de Verviers, mais la dernière manifestation d’un barreau tout court. Notre profession crée trop de problèmes, elle a vécu. Les juristes n’ont plus de raison d’être. Les juges, les cours et tribunaux, les magistrats assis, debout, couchés et tout le saint-frusquin de la démocratie, c’est ter-mi-né.
Dans un instant, un pas va être franchi et c’est sûr, on ne fera pas deux pas en arrière ensuite : après ça, vous pourrez aller ranger votre déguisement suranné au vestiaire et boire un bon coup avant de vous reconvertir, mais je me demande bien en quoi.
L’ordinateur vous a remplacés. L’intelligence artificielle vous a dépassés. Et le consommateur a juste envie de vous dire, le sourire aux lèvres : « Adieu ! ».
En même temps, ce n’est pas une surprise. Si vous lisez les journaux, on vous l’a annoncé depuis pas mal de temps et, ces temps-ci, on vous l’aura assez répété. Je cite :
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La fin des juristes (SUSSKIND, 2010)1,
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Des armées d’avocats coûteux, remplacées par des logiciels meilleurs marché (2011)2,
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ROSS d’IBM, votre juriste artificiellement intelligent flambant neuf (N.Y. Times, 2016)3,
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Confions la justice à l’intelligence artificielle ! (Laurent ALEXANDRE, 2016)4
(Je pourrais en citer d’autres.)
Certains estiment que l’intelligence artificielle est le grand sujet de société qui devrait être au centre des préoccupations actuelles, car c’est la prochaine vague de révolution technologique. Elle va déferler et elle va tout changer, bien plus et bien plus vite que toutes les innovations déjà connues. Bien plus que les machines à vapeur, le moteur à explosion ou même l’électricité, l’invention du transistor ou de l’ordinateur et même d’Internet. Tout va être complètement bouleversé : toute notre société, notre économie et nos valeurs ; même l’idée que nous nous faisons des individus et de la nature humaine.
Alors, maintenant, si vous voulez bien, si cela vous intéresse, j’aimerais lancer cette démonstration.
C’est une grande fierté pour la commission informatique du Barreau de Verviers d’y avoir travaillé sans relâche, avec un dévouement et un engagement complets et une discrétion totale, comme c’est son habitude. Mais nous ne l’avons pas fait seuls, évidemment : nous avons collaboré avec une équipe de chercheurs, de scientifiques de haut vol, de grands enthousiastes que je tiens à remercier.
Car aujourd’hui, ce n’est pas moi, mais l’intelligence artificielle qui va prononcer le discours de Rentrée et vous ne pourrez plus avoir de doute, après ceci, que tout ce que vous avez connu est révolu et qu’aucun être humain ne pourra plus avoir l’ambition d’espérer lui arriver à la cheville.
Et c’est donc un grand géant de l’informatique qui a bien caché son jeu et qui a habilement décidé de faire cette première, aujourd’hui, à Dison, là où personne ne pouvait s’y attendre, ni prendre l’information trop au sérieux, malgré qu’elle ait été rendue publique.
C’est un jour que nous attendions avec impatience.
De temps en temps, une révolution intervient. Une révolution qui change tout. Et c’est une chance de la vivre. C’est une plus grande chance encore d’y participer, ne serait-ce qu’une seule fois dans sa carrière.5
Je le répète : cette révolution n’aura pas d’impact seulement sur le Barreau de Verviers ou les avocats en général, mais sur notre société toute entière, sur le monde, sur l’avenir de l’humanité.
Ce projet a un nom, nous l’appelons « IAVe ». C’est un acronyme pour « Intelligence Artificielle Verviers » et un jeu de mots que ceux qui ont fait du catéchisme pourront deviner.
« IAVe, je te prie de commencer et de prononcer le discours de Rentrée ! Éblouis-nous ! »
Rentrée Barreau de Verviers @jeunebarreau. Discours de @avocatdeliege pic.twitter.com/9IdowpBKWk
— Nicolas Petit (@PetitNic) March 25, 2017
II.Corps
A.IA : Qu’est-ce que c’est et comment ça marche ?
1.Définition
C’est un projet basé sur l’intelligence artificielle.
Maintenant, qu’est-ce que l’intelligence ? qu’est-ce qui est artificiel ? Vous comprenez bien : tout le monde n’est pas d’accord, mais on choisit souvent de les définir par rapport au résultat qu’on attend d’elles :
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Dans une première vision : certains estiment qu’une machine doit être capable de produire des raisonnements qui ont toutes les apparences de celui d’un humain. L’ordinateur doit mimer l’humain.
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D’autres estiment que la machine doit être capable de produire des raisonnements de rationalité pure, au-delà des capacités limitées d’un humain. C’est une autre vision, voire un pas plus loin.
Pour prendre un exemple, une étude israélienne6 a montré que, devant l’équivalent de leur Tribunal d’application des peines, les prisonniers qui comparaissaient peu après le déjeuner du juge avaient plus de chance de sortir que ceux qui arrivaient peu avant midi, quand l’estomac du juge commençait à s’impatienter de recevoir son dîner.
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L’intelligence artificielle, dans ce cas, devrait soit traiter les cas de manière égale, dans une rationalité pure ;
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soit, pour s’approcher plus de l’humain, devenir moins indulgent, comme vous le serez avec la réplique du bâtonnier, à mesure que votre appétit grandira et que votre patience diminuera.
2.Pourquoi est-ce vraiment d’actualité depuis peu ?
Depuis quelques années et tous les jours actuellement, des progrès considérables sont en train d’être accomplis dans différentes disciplines, ce qui promet des avancées spectaculaires en matière d’intelligence artificielle.
(a)Apprentissage profond
Depuis les années 1980, les informaticiens et d’autres scientifiques ont progressivement mis au point des modèles qui miment ce que l’on sait des éléments essentiels du fonctionnement du système nerveux des animaux, sous la forme de réseaux de neurones artificiels multicouches. Certaines théories existaient déjà auparavant, mais à cette époque, de toute façon, les machines n’étaient pas assez puissantes.
[Ici, on voit Yann Le Cun, qui est un informaticien français pionnier dans la matière, professeur au Collège de France et qui travaille pour Facebook. Vous voyez, avec ce petit schéma, c’est tout de suite beaucoup plus clair.
Je ne vais pas tenter de vous l’expliquer : je n’en ai pas compris grand-chose non plus !]
Plus particulièrement, depuis les années 2010, une nouvelle évolution appelée « l’apprentissage profond » (en anglais deep learning) a connu des avancées remarquables dans différents domaines :
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dans l’analyse du signal sonore ou visuel et notamment de la reconnaissance faciale,
[Article CNN sur Facebook qui vous propose un service où, une fois que vous avez identifié quelques fois une personne sur vos photos, il peut ensuite reconnaître le visage de la personne sur de nouvelles photos, même sous un autre profil. Cela suppose donc que l’ordinateur arrive à projeter en 3D une image qu’il reçoit en 2D.]
L intelligence artificielle IAVE prononce le discours de rentrée du Jeune barreau de Verviers à la place de Me Geoffrey Deliege pic.twitter.com/0uMcuoc4xl
— Eric Franssen (@FranssenEric) March 25, 2017
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dans la reconnaissance vocale,
[Nous connaissons tous déjà la transcription du texte dicté. C’est maintenant utilisé à une très large échelle avec les assistants de smartphone, comme Siri ou « OK Google », qui combinent la reconnaissance vocale avec la recherche, voire avec de la traduction vers une autre langue.]
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dans la vision par ordinateur,
[Facebook a mis en place des descriptions textuelles de toutes les images publiées, pour les non-voyants et pour mieux identifier ce que ses utilisateurs publient. Le système ne se limite pas à identifier les objets sur la photo, il en fait une description articulée assez fidèle, même d’éléments flous. Une technique similaire est utilisée pour la détection de tumeurs sur de l’imagerie médicale.
Cela a aussi des applications industrielles, pour vérifier la qualité des produits sur une chaîne de production, par exemple détecter des défauts dans une ligne de production de bouteille, avec une rapidité et une précision impossible pour l’œil humain.]
Dans le monde des superordinateurs dotés d’une intelligence artificielle, il y a déjà quelques stars et vous en avez certainement déjà entendu parler. « Deep Blue » et « Alpha Go » sont les plus connus.
C’est avec une combinaison de ces techniques qu’en mai 2016 l’ordinateur « AlphaGo » de Google, a battu le champion du monde de jeu de go, 4 parties à 1.
« AlphaGo » est beaucoup plus évolué que « Deep Blue » d’IBM qui avait battu Kasparov aux échecs en 1997.
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« Deep Blue » disposait d’une base de données énorme de tous les meilleurs coups joués dans les parties d’échecs par les plus grands maîtres. Il se basait là-dessus pour choisir, parmi cette base de données, le meilleur mouvement à opérer contre l’adversaire auquel il était confronté. C’était un grand expert, mais qui n’apprenait rien de plus que ce qu’il ne savait déjà.
[Cultivé, roi du par cœur, arrogant, insupportable parce qu’il nous bat alors que, au fond de nous-mêmes, nous savons qu’il est stupide. Cela vous fait penser à quelqu’un ?… On en connaît tous des comme ça !]
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« AlphaGo », lui, a aussi reçu une base de données avec des déroulements de 100.000 parties de jeux de go. Mais, il n’avait pas simplement mémorisé ces parties, il a appris à jouer sur base de ces données et continuait à apprendre en jouant contre lui-même lors de 3 millions de parties et à affiner son jeu en cours de partie contre le champion du monde.
Contrairement au jeu d’échec qui a un nombre de mouvements possibles limités, le jeu de go a un nombre de mouvements équivalent au nombre d’atomes dans l’univers. Et là, Deep Blue, même avec sa mémoire d’éléphant faisait moins le malin.
Il a donc fallu développer un algorithme polyvalent7, susceptible d’apprendre non seulement le jeu de go, mais aussi d’autres choses.
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Fin janvier 2017, « Libratus », un projet d’IA de l’École de science informatique de l’Université de Carnegie Mellon (Pittsburgh), a accumulé les plus gros gains (plus de 1,7 M$) au poker Texas Hold’em contre les meilleurs joueurs actuels. Un d’eux a déclaré : « Le robot devient de plus en plus fort chaque jour. Les deux premiers jours, nous avions de bons espoirs. Mais chaque fois que nous trouvons une faille, il apprend de nous et son point faible disparaît le jour suivant ».
Ce fait démontre l’habilité de la meilleure IA à faire des raisonnements stratégiques en ayant une information imparfaite et surtout de surpasser celle des meilleurs joueurs humains. La différence par rapport aux échecs et au jeu de go, c’est que dans le poker, il faut miser sans avoir toutes les informations à disposition, voire en essayant d’induire les autres joueurs en erreur sur son jeu. L’ordinateur bluffe donc mieux que les humains.
Alors, on l’a compris, les humains ne peuvent plus rivaliser avec l’ordinateur pour ces jeux-là. Mais cela reste, avec tout le respect pour les joueurs d’échec, de go ou de poker, des domaines assez cantonnés, avec des règles bien claires. Un jeu, même très complexe demeure très limité. C’est un univers bien circonscrit et ordonné, contrairement au monde réel8 ou au sachet de commissions rempli de « papiers » pêle-mêle que certains clients nous apportent et avec lesquels nous allons devoir essayer de trouver des preuves convaincantes pour les défendre.
Néanmoins, ce qui demeure le plus frappant, c’est la vitesse avec laquelle l’intelligence artificielle s’améliore. Elle parvient en effet en très peu de temps, avec son évolution actuelle, à détrôner en un an des spécialistes humains qui s’y sont formés, eux, pendant des années avant d’arriver à ce niveau de compétence.
(b)Augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs
Un autre élément-clé actuel qui permet l’avènement de l’intelligence artificielle, c’est le niveau de puissance de calcul atteint par les ordinateurs.
(i)Loi de Moore
Pour autant que l’analogie entre le système nerveux des animaux – et plus spécialement, des humains – et l’ordinateur soit bien pertinente, certains estiment que la puissance de calcul d’un cerveau humain moyen serait de l’ordre de 10 petaFLOPS9 (peta = 1015).
Un ordinateur actuel de 1.000,00 € atteint environ 4 gigaFLOPS (giga = 109).
En réalité, la barre des 10 petaFLOPS a été franchie par un superordinateur en 201110 et, en 2016, les Chinois ont atteint les 33 à 54 pétaFLOPS avec le supercalculateur « Tianhe‑2 »11.
[Cela fait beaucoup de petaFLOPS !]
Autrement dit, actuellement déjà, des superordinateurs existent avec une puissance de calcul plus que suffisante pour dépasser les capacités, non pas d’une fourmi ou d’un rat, mais d’un cerveau humain. Mais cela reste des machines rares et chères.
En plus, au niveau de la consommation électrique, les supercalculateurs consomment, suivant les sources, de 4 à 15 MW (donc 4 à 15 millions de Watts), c’est-à-dire entre 50 % et 5 réacteurs d’une centrale nucléaire moderne pour l’alimenter, tandis qu’un humain, cerveau compris (20 % de son énergie), consomme 63 W, c’est-à-dire la puissance d’une ampoule à incandescence.
(ii)Ordinateurs « grand public »
La courbe d’évolution prévisible de la puissance des ordinateurs « grand public » est exponentielle puisque l’on considère que la puissance des ordinateurs est doublée tous les 18 mois.
Sur base de ces estimations, la vitesse des progrès va s’accélérer de manière inouïe et on devrait être capable d’émuler toute la complexité d’un cerveau humain avec un ordinateur « grand public » aux alentours de 2025.
©Récapitulatif
Pour récapituler, jusqu’à aujourd’hui, on estimait que l’arrivée d’une intelligence artificielle convaincante se profilait à l’horizon, mais qu’elle n’était pas à la portée de la bourse ni du grand public, ni même de grandes sociétés, mais seulement à celle de quelques gouvernements des plus grandes puissances mondiales et de quelques géants des technologies.
En clair, d’un point de vue économique, si on sait faire mieux avec un ordinateur de 1.000,00 € qu’en payant un salarié et que l’ordinateur coûte moins cher, un choix sera fait.
Mais ce n’est pas tout car, même dotés des ordinateurs suffisamment puissants, les logiciels nécessaires n’étaient pas encore au point jusqu’à aujourd’hui pour arriver à des résultats convaincants.
B.Pourquoi le droit se prête bien à l’IA ?
1.Le couple parfait ?
Bien, mais en quoi cela nous concerne-t-il ? Quel lien avec le droit ?
Plus que beaucoup d’autres branches de l’activité humaine, le droit se présente comme un domaine où l’intelligence artificielle pourrait prospérer avec une aisance déconcertante.
Quand un ingénieur ou un programmeur conçoit le travail du juriste, il se dit que, à première vue, c’est très proche d’un jeu, avec des règles, des limitations et un objectif à atteindre.
Si l’ordinateur a pu apprendre à jouer aux échecs et a réussi à apprendre à battre le champion du monde à un jeu plus complexe encore, le jeu de go, ou à bluffer comme le meilleur joueur de poker, il suffisait encore de quelques efforts, mais on devait arriver à faire la même chose avec le domaine du droit.
2.Ce que l’IA sait faire.
En réalité déjà, l’intelligence artificielle a investi le terrain depuis un certain temps.
Toutes les activités d’un juriste impliquent un traitement d’informations. Un ordinateur traite des informations en exécutant des instructions.
Pour automatiser le travail d’un juriste, il faut donc arriver à modéliser son processus de traitement d’informations sous la forme d’une série d’instructions. En informatique, on divise les instructions en deux types :
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ce que fait un ordinateur classique : il suit des instructions déductives qui sont les plus simples et qui permettent de traiter des informations dont la structure est apparente.
[Par exemple, le Jeune Barreau dispose d’une base de données qui indique si vous avez payé ou non votre ticket pour aujourd’hui. L’ordinateur a identifié tout le monde dans la salle. Et des spots ont été installés au-dessus de vous. Si vous n’avez pas payé, l’ordinateur a reçu comme instruction de pointer un laser rouge sur vous. Attention… [pause] Encore un « flop » ? Ah non ? C’est gratuit jusque maintenant ?]
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ce qui est de plus en plus développé actuellement, ce sont les instructions orientées par des données qui permettent de traiter des informations dont la structure est moins évidente.
[Par exemple, comme vous n’aurez plus de travail dès lundi, il faudra peut-être que vous courriez à la banque faire un prêt avant qu’elle soit au courant. N’essayez pas chez ING : ils sont là aussi aujourd’hui. Pour savoir si vous serez capable de la rembourser, votre banque peut mettre au point une grille complexe qui se basera sur ce qu’elle sait déjà de vous (revenus, historique bancaire, épargne, valeur de l’immeuble par rapport au crédit, etc.). Sur base des statistiques de tous ses clients, votre banque peut établir une corrélation et des probabilités entre certaines données et le risque de défaut.]
Toutefois, ce procédé connaît des limites :
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Le calcul de ces probabilités est basé uniquement sur certaines données. Or, la banque pourrait ne pas avoir prévu qu’un élément extérieur, comme un krach boursier ou l’avènement inopiné de l’intelligence artificielle dans l’économie puissent faire péricliter tout le système, et vous avec lui. Dans ce cas, l’ensemble des prévisions futures est faussée et le système n’avertira pas la banque du risque d’erreur.
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Par ailleurs, toutes les situations ne sont pas toujours facilement modélisables et le choix des données à prendre en considération en fonction du contexte est souvent loin d’être évident12.
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3.État des lieux
(a)Ce qui existe déjà pour le droit
Des applications existent déjà pour le droit :
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Classification de documents dans le cadre des procédures de discovery, c’est-à-dire, en droit étasunien, les procédures d’instruction préalables à un procès civil concernant tous les documents qui pourraient être intéressants pour une affaire. Dans ce cadre, il arrive que des milliers, voire des millions de documents très divers d’une entreprise doivent être examinés. Différents programmes existent déjà pour localiser l’information pertinente dans ce fouillis.
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Dans le cadre de son projet d’IA WATSON, IBM a développé différents programmes, certains pour la médecine, un autre orienté droit, sous le nom de ROSS. Il serait capable de donner des réponses concises à des questions formulées en langage naturel, tout en fournissant les références légales, jurisprudentielles et doctrinales sur lesquelles il se base pour rendre son avis. Un peu comme le projet Pythagoria envisagé par AVOCATS.BE.
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Aux États-Unis, notamment dans l’État du Wisconsin, les juges utilisent, parmi d’autres éléments, un programme qui prédit le risque de récidive et les capacités de réinsertion d’un condamné, principalement donc dans les procédures pénales et d’application des peines, comme on dirait chez nous13.
(b)Ce qui existe déjà dans d’autres disciplines
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Dans le domaine médical, des outils de diagnostic, mais aussi de reconnaissance de tumeur sur des images, qui arriverait à de meilleurs résultats que les médecins spécialisés et chevronnés14 ;
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Vous en avez peut-être déjà vu des vidéos sur Internet : le constructeur américain de voitures Tesla a développé une voiture (électrique) pilotée par ordinateur qui conduit avec une dextérité impressionnante et qui anticipe un accident et évite un carambolage, là où un humain n’aurait rien détecté15
- [Toutefois, elle ne pourrait pas fonctionner à Verviers : elle ne va pas chercher toute seule le ticket de stationnement !]
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Autre exemple avec la publicité sur Internet que tout le monde connaît déjà : l’adaptation des publicités présentées aux contenus qui vous intéressent.
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L’intelligence artificielle se voit aussi déjà confier des décisions de vie ou de mort sur des êtres vivants. Ainsi, dans l’agriculture, des projets sont développés. Il y a ainsi un projet où l’ordinateur repère les choux les plus prometteurs sur base d’un contrôle visuel et élimine les autres. Cela peut évidemment être développé pour d’autres plantes.
4.Quelles difficultés peuvent être rencontrées par l’IA avec le droit ?
Alors, est-ce si simple ou y a‑t-il quand même quelques difficultés pour maîtriser le droit avec l’intelligence artificielle ?
(a)Le raisonnement juridique est-il si syllogistique que ça ?
D’abord, est-ce que le raisonnement juridique est toujours suffisamment syllogistique pour être facilement modélisable et, ainsi, à la portée de l’intelligence artificielle ?
(i)Renvoi à la théorie du Grand Style (Karl LLEWELLYN)
Compréhension du droit
Si l’on suit la pensé des Lumières : « […] Les juges de la Nation ne sont […] que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni l’ardeur »16, a écrit Montesquieu. Il semblait donc croire que la loi n’avait qu’un sens et que la marge de manœuvre du juge était inexistante.
Or, même en voulant être objectif, le juriste reste un homme qui ne peut comprendre le monde qu’à travers son expérience personnelle ; et celui qui a une autre expérience pourra souvent avoir l’impression que l’autre est biaisé dans son interprétation du texte.
Le droit, c’est sans doute un ensemble de règles, mais elles sont moins claires que celles d’un jeu d’échec ou de go, voire de poker.
Les profanes trouvent cela contre-intuitif et l’esprit d’un ingénieur habitué aux lois de la physique lèvera sans doute les sourcils, mais les juristes le savent, une loi n’est pas interprétée de manière identique suivant les juges et suivant le contexte de l’affaire.
Compréhension des faits
Réduction des faits à une problématique juridique (qualification juridique)
L’histoire complète d’une affaire n’est pas utile pour résoudre la question juridique qu’elle pose. Seuls certains aspects en sont retenus comme pertinents pour arriver à la solution du litige.
Présentation des faits dans le contexte particulier
Que ce soit au niveau de la présentation – partiale – qui en est faite par les avocats ou bien au niveau de celle finalement retenue par le juge – qui doit présenter une forme d’objectivité –, certains éléments seront mis en avant ou occultés, pour arriver à l’issue recherchée.
Le dogme voudrait que le juge commence par établir objectivement les faits, pour ensuite dérouler un raisonnement juridique impartial et seulement, enfin, en tirer une conclusion finale.
Pourtant, en pratique, même si c’est inconsciemment, même si ce n’est pas politiquement correct de le dire, le chemin se fait plutôt à l’envers : le juge aura tendance à d’abord identifier le résultat qu’il pressent comme juste, puis, seulement ensuite à habiller sa décision par une motivation factuelle et juridique qui permette d’arriver à l’issue qu’il trouve juste.
(ii)Objectif du juriste : interprétation en vue de cet objectif
Il y a donc une impression qui se forme d’abord, une intuition qui se dégage devant la complexité de l’affaire, avant de passer à un processus raisonné. Une fois l’intuition de ce qui est juste acquise et sauf impasse factuelle ou juridique, la décision suivra cette orientation.
Une étude récente de prédiction des décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme a conclu que :
« En général, […] nos résultats pourraient être interprétés comme une certaine confirmation de l’intuition fondamentale du réalisme juridique selon laquelle les juges sont plutôt influencés par des motifs non-juridiques que juridiques, quand ils sont confrontés à des affaires difficiles. »17
(iii)Bienfaits attendus
Face à cette réalité, le dogmatisme redoute l’arbitraire, le sentimentalisme déraisonné. Il préconise une approche robotisée qu’il trouve préférable, puisque détachée de tout sentiment, de toute influence d’ordre politique, religieux ou philosophique, personnelle.
Un ordinateur ne sera donc pas influencé par ses sentiments ou ses convictions personnelles, ni par son vécu, et livrera une solution purement objective et impartiale.
(iv)Illusion néfaste de la vérité uni(vo)que
Mais est-ce seulement possible d’avoir ce regard complètement détaché et objectif sur la réalité ? Y a‑t-il toujours une vérité, unique et univoque ?
Confusion entre faits bruts et faits sociaux ou issus de la raison
La vérité judiciaire, celle sur laquelle se base le juriste, n’est pas la vérité scientifique.
C’est davantage une construction sociale.
Le droit n’admet pas toutes les vérités, même si elles sont objectivement prouvées.
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Par exemple, pour des raisons morales, une preuve obtenue de manière déloyale sera rejetée, alors qu’un enregistrement sonore de la voix d’une personne, même faite à son insu, prouve indubitablement les menaces ou les insultes qu’elle a proférées.
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Ou bien, le droit invente une réalité qui n’existe pas, par des fictions. Par exemple, le droit fiscal limite le coût admis pour les déplacements professionnels, alors qu’il peut être clairement démontré que le coût réel est supérieur.
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Ou encore, le droit n’aura aucune considération, pour la filiation biologique, prouvée par l’ADN, mais ne tiendra compte que de la réalité, beaucoup plus floue, des relations nouées avec celui qui s’est cru être le père de l’enfant.
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Ou encore, le droit refuse de se pencher sur une question, parce que trop de temps s’est écoulé, même si toutes les preuves de ce qui s’est passé existent encore.
Et les circonstances qui vont faire que l’on s’écarte ou non d’un fait brut, comme l’intérêt de l’enfant, sont des concepts creux qui seront déterminés par un ressenti très subjectif et assez incertain.
Incidence de la connaissance tacite18
Ce que nous savons ne peux pas toujours être expliqué.
Nous savons faire beaucoup de choses que l’on ne nous a pas expressément apprises.
Ces compétences qui ne sont pas clairement formalisées sont difficiles à transmettre à un ordinateur. Or, pour fonctionner comme un humain, l’ordinateur en aura aussi besoin.
Les dernières avancées dans l’étude de l’intelligence animale laissent penser qu’il existe de très hautes formes d’intelligence qui ne sont pas verbales et qui n’ont pas besoin d’un langage pour s’exprimer19.
Dans le droit comme dans d’autres domaines, l’approche pour la résolution d’un problème nécessite un processus complexe que l’on ne nous a pas expliqué dans le détail de ses articulations. Et pourtant, c’est une compétence innée que nous mettons en œuvre à longueur de journée, pas seulement pour nos activités professionnelles.
Or, l’IA marche bien avec des faits bruts, mais elle est impuissante face à certaines complexités.
(b)Rassemblement d’une masse critique de données exploitables
Une autre question concerne le rassemblement d’une masse de données exploitables suffisantes.
C’est le « big data ».
En effet, pour que l’IA fonctionne, il lui faut des ordinateurs suffisamment puissants, des logiciels suffisamment bien pensés pour permettre à l’ordinateur de traiter tout seul l’information, mais il lui faut aussi et surtout beaucoup et même énormément d’informations pour « apprendre ».
Pour le droit, ceci ne semble a priori pas un obstacle : il suffit de prendre comme base de données toute la jurisprudence qui existe. Le SPF Justice a mis en place une base données appelée VAJA (pour « Vonnis Arresten Jugements Arrêts ») qui centralise toutes les décisions. Vous y ajoutez toutes la doctrine publiée et le tour est joué !
Eh bien pas vraiment : il faut encore que l’ordinateur découvre une structure suffisamment claire dans toutes ces données.
En plus, pour arriver à de bonnes performances de raisonnement, il faut que l’IA ait à sa disposition un très grand nombre d’exemples de bonnes réponses à la même question, au même problème.
Pour le jeu d’échec ou la radiologie, ce n’est pas trop compliqué. Mais y a‑t-il une multitude de décisions de justice sur toutes les situations envisageables ? Pas toujours.
©Mystère sur le « raisonnement » de l’ordinateur
Un autre problème se pose concernant ce qu’un juriste appellerait la question de la « motivation » de la décision de l’IA.
En effet, les plus grands spécialistes en la matière avouent qu’ils sont incapables de comprendre l’intégralité du cheminement effectué par les algorithmes extrêmement sophistiqués construits par l’IA. C’est beaucoup trop complexe pour un humain de mémoriser la quantité d’informations qui est utilisée pour y arriver et cela dépasse aussi les capacités de calcul d’un humain.
On peut donc voir sur quoi l’ordinateur se base et le résultat qu’il donne, mais on ne comprend pas le détail du traitement de l’information qu’il opère pour arriver à ce résultat.
Cela peut poser de sérieux problèmes éthiques. Par exemple, dans les États des États-Unis qui utilisent déjà l’IA pour évaluer le risque de récidive d’un candidat à la libération conditionnelle, on s’aperçoit que des individus dangereux, mais blancs, obtiennent un résultat plus favorable que les autres. Pourquoi ? On suppose que c’est la conséquence du fait que l’IA s’est basée sur la jurisprudence existante qui comporte statistiquement moins de condamnations de blancs. Et l’IA y trouve une corrélation qui n’est d’abord pas pertinente pour sa prédiction, mais qui implique surtout une discrimination éthiquement condamnable20.
(d)Facile à duper
Une autre fragilité de l’IA, c’est qu’une fois que l’on a saisi les critères qu’elle estime les plus pertinents pour obtenir la décision que l’on souhaite, il suffit de lui mettre en avant ce qu’elle cherche et de lui cacher, même assez grossièrement, ce qu’on ne veut pas qu’elle voie pour la duper.
[Il paraît que l’on peut déjà faire la même chose avec certains juges, une fois que l’on a compris quelle était leur marotte. Je n’oserais pas le prétendre.]
Ainsi, on pourrait penser utiliser l’IA pour procéder à des écoutes de suspect. L’IA transcrirait toutes leurs conversations, puis isolerait ce qui est intéressant. Des méthodes semblables sont déjà utilisées par les avocats américains qui doivent examiner tous les documents d’une entreprise.
Eh bien, en matière de stupéfiants, on voit souvent les prévenus parler de « laitues », d’« épices », etc. dans leurs conversations téléphoniques pour masquer le véritable objet de leur trafic. Il y a un risque que l’IA n’y verrait qu’une conversation d’épicier et se ferait berner par une technique aussi grossière.
(e)Raisonnement construit sur les données du passé, sans créativité, alors que l’évolution de la société amène à une évolution de ses règles
Un autre sérieux souci est posé par le fait que l’IA construit ses raisonnements sur une masse de données. Or, ces données sont forcément recueillies dans le passé. Et l’IA se contente d’y rechercher une logique.
Le problème, c’est qu’en raisonnant ainsi, on ne tient pas compte d’évolutions contextuelles qui devrait entraîner une modification des règles.
Or, le droit ne doit pas être figé ; il doit évoluer avec la société.
Cela nécessite de la créativité : le juriste doit appliquer des règles prévues pour une autre situation au cas qui l’occupe pour trouver une solution. Ou bien il doit se rendre compte qu’une règle, construite à une autre époque, dans un autre contexte, doit être adaptée, voire parfois écartée.
Appliquer bêtement une règle sans se poser de question, c’est parfois dans l’intérêt d’une partie, mais ce n’est pas le sommet de l’art et cela peut mener à des injustices criantes. Summum jus, summa injuria.
III.Péroraison
« Non », IAVe a répondu et sa réponse est « non ».
[C’était peut-être la bonne réponse à donner quand on vous demande de faire le discours de Rentrée…]
À la question de savoir si l’intelligence artificielle remplacera les professions juridiques, je pense qu’il faut faire la même réponse.
Non : certaines tâches pourront être confiées à des ordinateurs qui le feront mieux et pour moins cher qu’un humain et il faudra s’adapter et en tirer profit.
Mais,
Mesdames, Messieurs les magistrats, les notaires, les huissiers, mes chers confrères :
Non, l’ordinateur ne vous a pas remplacés ; l’intelligence artificielle ne vous pas dépassés. Pas encore.
Un robot n’est pas encore prêt à faire preuve de la créativité, de l’empathie, des sentiments, de l’indignation, de l’humour parfois aussi qui sont essentiels au bon exercice de vos fonctions. Et ces qualités restent actuellement, de loin, le monopole de l’humanité.
En sera-t-il toujours ainsi ? Cela restera-t-il le propre des femmes et des hommes ?
Je le crois encore pour longtemps, mais qui sait ?
1Richard SUSSKIND, The End Of Lawyers : Rethinking The Nature Of Legal Services (Oxford Univ. Press 2010).
2John MARKOFF, “Armies of Expensive Lawyers, Replaced by Cheaper Software”, N.Y. Times, Mar. 5, 2011, at A1.
3Au printemps 2016, IBM a présenté ROSS, “Your brand new artificially intelligent lawyer”
4 Laurent ALEXANDRE et Olivier BABEAU, « Confions la justice à l’intelligence artificielle ! », Les Échos, 21 septembre 2016
5Passage inspiré de Steve Jobs lors de son iPhone Keynote 2007, http://www.european-rhetoric.com/analyses/ikeynote-analysis-iphone/transcript-2007/
6Shai Danzigera, Jonathan Levavb, Liora Avnaim-Pessoa, « Extraneous factors in judicial decisions », PNAS, vol. 108 no. 17, 2011 http://www.pnas.org/content/108/17/6889.full
7Basé sur les techniques d’apprentissage par renforcement (« L’apprentissage par renforcement fait référence à une classe de problèmes d’apprentissage automatique, dont le but est d’apprendre, à partir d’expériences, ce qu’il convient de faire en différentes situations, de façon à optimiser une récompense quantitative au cours du temps. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_par_renforcement) et d’apprentissage profond (« L’apprentissage profond1 (en anglais deep learning, deep structured learning, hierarchical learning) est un ensemble de méthodes d’apprentissage automatique tentant de modéliser avec un haut niveau d’abstraction des données grâce à des architectures articulées de différentes transformations non linéaires[réf. souhaitée]. Ces techniques ont permis des progrès importants et rapides dans les domaines de l’analyse du signal sonore ou visuel et notamment de la reconnaissance faciale, de la reconnaissance vocale, de la vision par ordinateur, du traitement automatisé du langage. Dans les années 2000, ces progrès ont suscité des investissements privés, universitaires et publics importants, notamment de la part du GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon)2. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_profond).
8“That starting point was, of course, games. They’re actually a good test for artificial intelligence. By definition, games are constrained. They’re little bottled universes where, unlike in real life, you can objectively judge success and failure, victory and defeat. DeepMind set out to combine reinforcement learning with deep learning, a newish approach to finding patterns in enormous data sets. To figure out if it was working, the researchers taught their fledgling AI to play Space Invaders and Breakout.” https://www.wired.com/2016/05/google-alpha-go-ai/
9« FLOPS : opération en virgule flottante par seconde (en anglais : floating-point operation per second) » https://fr.wikipedia.org/wiki/FLOPS
10« En juin 2011, le plus puissant superordinateur atteint les 8,162 pétaFLOPS. Il s’agit du K computer4. Ce superordinateur japonais totalise 68 544 processeurs de 8 cœurs et dispose d’une puissance de calcul supérieure à celle de ses 5 suivants réunis. Ce même supercalculateur a battu son propre record en octobre 2011 en atteignant la barre des 10 pétaFLOPS. Il disposait à ce moment de 88 128 processeurs de 8 cœurs [Supercalculateurs : le Fujitsu « K » atteint les 10 pétaflops [archive], sur zdnet.fr, 3 novembre 2011 (consulté le 13 février 2015).].
(…)
En 2016, le supercalculateur embarqué Deep Learning System (DGX‑1) de Nvidia avec 8 Tesla P100 intégrées a une puissance d’environ 170 téraFLOPS, il est d’une puissance comparable aux superordinateurs de 200510. » https://fr.wikipedia.org/wiki/FLOPS#cite_ref‑5
12Cf. infra : Incidence de la connaissance tacite, p. 11
13Zeynep Tufekci, “Machine intelligence makes human morals more important”, TED Summit, June 2016, https://www.ted.com/talks/zeynep_tufekci_machine_intelligence_makes_human_morals_more_important
14Taylor Kubota, “Deep learning algorithm does as well as dermatologists in identifying skin cancer”, Stanford News, 25/01/2017, http://news.stanford.edu/2017/01/25/artificial-intelligence-used-identify-skin-cancer/
15Julien Cadot, « L’Autopilot d’une Tesla prédit un accident et parvient à l’éviter », Numerama, 28 décembre 2016, http://www.numerama.com/tech/220478-lautopilot-dune-tesla-predit-un-accident-et-parvient-a-leviter.html vidéo : https://www.youtube.com/watch?time_continue=29&v=9fcRlWQF_uU
16Montesquieu, Esprit des Lois, liv. XI, chap. VI, 1777, Garnier, p. 327.
17Aletras N, Tsarapatsanis D, Preoţiuc-Pietro D, Lampos V. (2016) Predicting judicial decisions of the European Court of Human Rights : a Natural Language Processing perspective. PeerJ Computer Science 2:e93 https://doi.org/10.7717/peerj-cs.93
18V. e.a. : Polanyi, Michael. « The Tacit Dimension ». First published Doubleday & Co, 1966. Reprinted Peter Smith, Gloucester, Mass, 1983. Chapter 1 : « Tacit Knowing » ; The tyranny of tacit knowledge : What artificial intelligence tells us about knowledge representation. Kurt D. Fenstermacher https://www.computer.org/csdl/proceedings/hicss/2005/2268/08/22680243a.pdf
19Frans de Waal (primatologue et éthologue), Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligence des animaux ?, LLL, 2016. https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-10-octobre-2016 ; https://www.franceinter.fr/emissions/l‑invite-de-8h20/l‑invite-de-8h20-04-octobre-2016
20Cf. note 13