« Nous avons le sentiment que la loi n’est plus respectée »
« Le pouvoir judiciaire est inquiet » explique le plus haut magistrat du pays, « cela ne va pas véritablement mieux ». « Nous avons le sentiment que l’exécutif continue à développer une stratégie de contournement de la loi, de désobéissance à la loi ». Il relève que l’administration de la Justice se réserve désormais le pouvoir de ne plus publier les places vacantes, et donc de ne plus remplir les cadres prévus par la loi, sans avoir l’aval de l’administration des Finances : « On est en train de porter atteinte aux forces vives de la justice, qui sont ses moyens humains ».
« Un juge n’est juge que pour rendre la justice, pas pour la suspendre »
Faut-il y voir une volonté délibérée d’affaiblir le pouvoir judiciaire ? S’il relève que l’équilibre entre les trois niveaux de pouvoirs est aujourd’hui « méconnu », face au « bloc homogène » que forment l’exécutif et législatif, l’homme de loi reste prudent : « Je n’oserais pas aller jusque là ». « La confiance n’est pas rompue, mais il y a tout un contexte qui rend les choses difficiles », estime-t-il, précisant que « le ministre Geens est un homme de dialogue ». Alors que plane une menace de grève dans le magistrature, il indique ne pas pouvoir « répondre de ce que feront les magistrats ». Mais son message est clair : « Un juge n’est juge que pour rendre la justice, pas pour la suspendre ». Ce qui n’empêchera le monde judiciaire d’utiliser « les armes légales » si nécessaire.
« La Justice et l’État, c’est comme une feuille de papier »
« Quel respect donner à un État qui marchande sa fonction la plus archaïque, qui est de rendre la Justice ? » s’interroge le Chevalier de Codt. « Cet État n’est plus un État de droit, mais un État voyou ». A ses yeux, du fait que le contentieux explose et que le personnel diminue, le droit fondamental que constitue l’accès au juge est mis en danger. La Belgique pourrait se faire condamner au niveau international pour violation du droit à un procès équitable et du principe du délai raisonnable, mais aussi pour les « conditions infectes » de détention dans les prisons du Royaume. Pour se faire comprendre, le magistrat sort une feuille de papier… et la déchire : « La Justice et l’État, c’est comme une feuille de papier », on ne peut pas déchirer un côté sans déchirer l’autre. En d’autres termes, « en disloquant sa Justice (…), l’État perd sa légitimité ».
Voir l’interview du Premier président de la Cour de cassation, M. J. de Codt : La Belgique se rapproche d’un État voyou, pour le plus haut magistrat du pays – RTBF
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