Cas récent en France

Par ordon­nance de réfé­ré du 6 avril 2018, le Tri­bu­nal de Grande ins­tance de Paris a ordon­né à Google de sup­pri­mer la fiche Google My Busi­ness d’un chi­rur­gien-den­tiste, sous peine d’astreinte.

Google My Busi­ness est un ser­vice de Google qui réfé­rence des entre­prises, sans recueillir au préa­lable leur auto­ri­sa­tion, et dif­fuse leurs noms, coor­don­nées et acti­vi­té, ain­si qu’une nota­tion sui­vi d’un com­men­taire éven­tuel. Des ser­vices simi­laires sont déjà bien connus aus­si, mais dans d’autres branches plus spé­cia­li­sées, notam­ment pour les hôtels et les restaurants.

Les faits sont résu­més ain­si par le Tribunal :

– que Mon­sieur X. est chi­rur­gien et dentiste,

– que sur le moteur de recherche Google.fr, lorsque sont sai­sis le pré­nom et le nom Mon­sieur X., appa­raît une fiche Google My Busi­ness rela­tive à son acti­vi­té de den­tiste, com­pre­nant notam­ment l’adresse de son cabi­net, ses horaires d’ouverture et des avis rela­tifs à ce cabi­net et à son activité,

– que le 11 sep­tembre 2017, le conseil de Mon­sieur X. a adres­sé à Google France et Google Inc. une demande de sup­pres­sion de cette fiche,

– que le 18 sep­tembre 2017, copie de cette lettre a été adres­sée aux conseils de ces socié­tés à Paris,

– que le 6 octobre 2017, la socié­té Google lui a noti­fié en réponse sa déci­sion de ne pas faire droit à la demande de sup­pres­sion de la fiche.

Google avait rétor­qué qu’il s’a­gis­sait des don­nées pro­fes­sion­nelles de ce pra­ti­cien et que, donc, elles ne devaient pas être pro­té­gées de la même façon que les don­nées per­son­nelles d’un par­ti­cu­lier. L’ar­gu­ment est reje­té par le Tri­bu­nal car :

toute infor­ma­tion qui per­met l’identification d’une per­sonne phy­sique, comme ses nom et pré­nom, son adresse ou son numé­ro de télé­phone, est consti­tu­tive d’une don­née à carac­tère personnel.

La cir­cons­tance que de telles don­nées soient rela­tives, comme en l’espèce, à l’activité pro­fes­sion­nelle de la per­sonne en ques­tion est donc sans inci­dence sur cette qua­li­fi­ca­tion, dès lors qu’elle est dési­gnée ou ren­due iden­ti­fiable, la notion n’étant pas res­treinte, contrai­re­ment à ce que sou­tient [Google], aux seules infor­ma­tions rela­tives à la vie privée.

Le régime légal réser­vé aux don­nées à carac­tère per­son­nel s’applique donc aux infor­ma­tions déli­vrées au public, sur la fiche Google My Busi­ness, à pro­pos de l’activité pro­fes­sion­nelle de Mon­sieur X.

Par ailleurs, le fait d’a­voir un temps accep­té l’exis­tence de cette fiche n’empêche pas de chan­ger d’a­vis par la suite et d’en exi­ger la suppression :

En l’espèce, si Mon­sieur X., après la créa­tion de la fiche effec­tuée sans son auto­ri­sa­tion, avait accep­té l’existence de cette fiche, il en a par la suite deman­dé la sup­pres­sion. L’existence de cette fiche implique, comme il en jus­ti­fie (pièce 17) l’envoi par Google de cour­riels à des fins de pros­pec­tion com­mer­ciale puisqu’il est alors pro­po­sé à Mon­sieur X. de payer pour des annonces publi­ci­taires sur la fiche Google My Busi­ness afin « d’améliorer ses per­for­mances », par le biais de Google AdWords Express (pièce 17).

Un tel raisonnement pourrait-il être suivi par une juridiction belge ? 🇧🇪

À ma connais­sance, aucun cas de juris­pru­dence simi­laire ne s’est encore pré­sen­té en Bel­gique et n’a été publié. Pour­tant, toutes les entre­prises belges pareille­ment réper­to­riées appa­raissent concer­nées dans la même mesure.
En Bel­gique, les dis­po­si­tions légales sont réunies dans la loi qui a été adop­tée à la suite du RGPD.
Le juge belge com­pé­tent serait le Pré­sident du Tri­bu­nal de pre­mière ins­tance (Art. 209–219).
La défi­ni­tion des « don­nées per­son­nelles » et du « trai­te­ment » cor­res­pondent à celles du RGPD et sont donc iden­tiques à celles du droit français.
Comme en droit fran­çais, le fait de pro­cé­der à un trai­te­ment de don­nées à carac­tère per­son­nel concer­nant une per­sonne phy­sique mal­gré l’opposition de cette per­sonne est répri­mé péna­le­ment (Art. 222–230).
Il semble aus­si que le juge belge, sai­si de faits sem­blables, devrait donc consta­ter le carac­tère mani­fes­te­ment illi­cite du trai­te­ment et ordon­ner, pareille­ment à son homo­logue fran­çais, la sup­pres­sion de ce trai­te­ment, le cas échéant aus­si sous peine d’astreinte.

Une société pourrait-elle formuler la même demande sur cette base juridique ?

Le rai­son­ne­ment de cette juri­dic­tion fran­çaise dans ce cas par­ti­cu­lier s’est arti­cu­lé autour du trai­te­ment illi­cite de don­nées per­son­nelles d’une per­sonne physique.

Beau­coup de titu­laires de pro­fes­sion libé­rale (méde­cins, archi­tectes, avo­cats…), mais aus­si d’entrepreneurs et d’ar­ti­sans, exercent leurs acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles en se fai­sant connaître avec leur pré­nom et nom, plu­tôt que sous une enseigne ou via une société.

Or, la pro­tec­tion invo­quée concerne les don­nées d’une per­sonne phy­sique iden­ti­fiable. On devrait donc pou­voir tenir le même rai­son­ne­ment chaque fois que le trai­te­ment per­met d’i­den­ti­fier une per­sonne phy­sique, même si cette per­sonne exerce dans le cadre d’une socié­té. En tout cas, dans le cadre du RGPD et de ses trans­po­si­tions nationales.

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